Rencontre

Réouverture des restaurants : « L'avenir sera locavore »

Mise à jour le 17/06/2020
Pour Alain Fontaine, chef du Mesturet (2e) et président de l'association des maîtres-restaurateurs, les restaurateurs doivent s'appuyer sur le fait-maison, les produits locavores et un accueil irréprochable pour sortir de la crise. Entretien.

Quel est votre état d'esprit depuis la réouverture des salles des restaurants en Île-de-France ?

Très soulagé, à la fois sur le plan économique et moral. Moralement, c'était très difficile à vivre pour certains d'entre nous, d'autant que ces établissements sont gérés par des passionnés. Économiquement, c'était une obligation de rouvrir, en particulier pour les petits bistrots de Paris, notamment ceux qui n'ont pas pu bénéficier des aides pour des raisons diverses. Puis les subventions ne font pas vivre une famille et il reste des charges incompressibles à payer. Il fallait donc absolument rouvrir. L'ouverture totale va sauver des restaurateurs, qui, à une semaine près, mettaient la clé sous la porte.
Nos clients sont heureux de nous retrouver, on leur a manqué ! Les Parisiens renouent avec la liberté de se déplacer, d'être en terrasse, dans les cafés, les restaurants, de vivre, discuter, aimer… Ils revivent ! Ils nous font part de toute leur compassion. Et se plient sans problème au protocole sanitaire.
Le chef Alain Fontaine pose sur le zinc de son bistrot
Le bistrotier Alain Fontaine, soulagé de la réouverture complète des restaurants en Ile-de-France.
Crédit photo : Emilie Chaix/Ville de Paris

La réouverture et l'agrandissement des terrasses le 2 juin vous a-t-elle permis de respirer un peu ?

Mon établissement n'avait pas de terrasse mais j'ai pu installer des tables sur les trottoirs avec une autorisation d'exploitation de l'espace public le 2 juin. Mais ce week-end-là, manque de chance, le mauvais temps ne nous a pas permis d'en profiter ! L'extension des terrasses a été une bouffée d'oxygène. En ce qui me concerne, j'ai perdu 250 000 € de chiffre d'affaires par mois en mars et en avril. Avec le protocole sanitaire, il y a 32 couverts en moins en salle. Quand le beau temps est au rendez-vous, il est possible de les récupérer dehors. Pour ceux qui n'ont pas de trottoir, la possibilité d'exploiter l'espace public est un apport énorme.

Il va y avoir de la casse, évidemment. Des restaurants et des bistrots vont changer de mains.

Alain Fontaine
Maître restaurateur au Mesturet (2e)

Quelles sont les difficultés à surmonter pour l'avenir proche ?

La baisse de la clientèle. Les touristes manquent à Paris. Ils représentent une fréquentation importante, pour ma part près de 50 % des clients. Nous ne nous attendons pas à les revoir avant les fêtes. Les salariés qui continuent le télétravail ne se rendent plus au restaurant pour déjeuner. Puis une toute petite minorité préfère désormais recevoir à la maison, d'autant que les restaurants ont été stigmatisés comme des lieux de propagation du virus.
Alors, il va y avoir de la casse, évidemment. Des restaurants et des bistrots parisiens vont changer de mains. Ceux qui avancent la formule « ça va épurer le marché », ça ne va rien épurer du tout ! La casse va toucher ceux qui font bien, en particulier à Paris. Ceux qui vont malheureusement disparaître, ce sont ceux qui font de la vraie cuisine et travaillent des produits bruts. Le danger, c'est que des restaurants et bistrots perdent leur âme et leur affaire.

Il faut considérer qu'un nouveau challenge se présente à nous

Alain Fontaine
MAÎTRE RESTAURATEUR AU MESTURET (2E)

Quelles sont vos pistes pour envisager demain ?

Nous nous devons de rester extrêmement positifs. Il faut considérer qu'un nouveau challenge se présente à nous. Celui de se réinventer, d'explorer d'autres pistes, de proposer de nouvelles choses et qu'il émerge quelque chose de plutôt positif du Covid-19.
C'est pourquoi, nous, professionnels devons rester vigilants et privilégier le fait-maison et les produits locavores, de Paris et d’île-de-France. Et pas seulement pour les fruits et légumes, également pour les bovins, les agneaux et les porcs. L'avenir sera locavore, pour que Paris vive, que Paris bruisse !
À nous aussi de prendre le marché de la livraison car beaucoup de Parisiens ont pris cette habitude pendant la crise sanitaire. En termes d'accueil, il va falloir aussi continuer les efforts pour être attractif. Nos sourires ne s'effacent pas derrière nos masques, au contraire, ils s'intensifient. Le personnel en salle, les directeurs d'hôtel, les chefs de rang, les serveurs, vont devoir continuer à rassurer le client.
Il faut garder à l'esprit, en tant que chef d'entreprise, qu'être à Paris est une chance. Les restaurants y sont très attendus. À nous d'être motivants pour que les clients reviennent. Pour cela, il est urgent de ne pas se presser, de retravailler son offre, d'établir un business plan et de se poser les mêmes questions que lorsque l'on souhaite ouvrir une affaire.

Comment prévoyez-vous cet été ?

Les touristes vont revenir doucement. La France a été très durement touchée. Avec le départ en vacances des télétravailleurs, il ne faut pas trop rêver. Nous allons avoir des petits mois, c'est sûr, nous allons souffrir. L'important, c'est de survivre et de ne pas se presser. Il faut laisser le temps au temps et j'ai bon espoir. Paris pour la moitié de l'humanité est un rêve, la gastronomie et l'art de vivre y contribuent. Le rêve va très vite reprendre ses droits, et je pense que Paris va redémarrer plus vite que d'autres régions.

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